December 17, 2021
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 Sur le troisième album de reprises de sa carrière, Chan Marshall revisite le répertoire de Frank Océan, Lana Del Rey, Nick Cave, The Replacements ou Billie Holiday.

La classe internationale.

Jamais deux sans trois. Après The Covers Record (2000) et Jukebox (2008), Cat Power triple la mise avec Covers, qui paraîtra dans la première quinzaine de 2022, quatre ans après le splendide Wanderer, où elle réinterprétait Stay de Rihanna et duettisait avec Lana Del Rey sur un single frissonnant, Woman. White Mustang de Lana Del Rey figure d’ailleurs au générique des onze reprises choisies par Chan Marshall, dont on connaît l’appétence pour les covers depuis ses débuts en 1995 - elle reprenait déjà Tom Waits et This Kind of Punishment (groupe neo-zelandais du cultissime label Flying Nun) dès son premier album Dear Sir. Appartenant à cette lignée d’artistes (de Sade à Françoise Hardy, de Lloyd Cole à Murat) qu’on écouterait les yeux fermés nous réciter le Bottin, Cat Power envisage l’exercice de la cover comme une seconde peau : “Interpréter des reprises est une façon très agréable de faire quelque chose qui me semble naturel. Quand je fais des reprises, je ressens une telle responsabilité envers les artistes que j'aime, dont certains que je n’ai jamais rencontrés”, précise-t-elle dans le communiqué public par Domino, son nouveau label depuis Wanderer. “Dans mon panthéon, il y a évidemment Nina Simone, et bien sûr Otis Redding et Billie Holiday, confiait-elle à l'automne 2018. “Je rajouterais Nick Cave et un petit dernier qui vient d’arriver et qui me rend complètement dingue, j’ai nommé Frank Océan.” 

Parmi les chansons qui ont participé à la genèse de Covers, Bad Religion de Frank Océan tient précisément une place de choix, étant à la fois le premier single extrait et le morceau d’ouverture du disque. “Ma chanson In Your Face me mettait à terre en tournée, admet-elle. Alors j’ai commencé à extraire des paroles de Bad Religion et à les chanter au lieu de devenir trop déprimée. Faire confi ance à mon instinct est une technique de survie. Mon approche est élémentaire, elle n’est ni technique ni académique” La réinterprétation de Cat Power transfigure l’original dans une version où le piano lancinant et la section rythmique jouent à cache-cache avec sa voix toujours aussi agile et reconnaissable entre mille. Au diapason, Chan Marshall s’en va dénicher un titre de Dead Man’s Bones, le groupe de l’acteur Ryan Gosling, qu’elle s’approprie totalement : Pa Pa Power semble même échappé d’un de ses propres albums, et démontre au passage sa mélomanie.

Piochant aussi bien dans le répertoire des Irlandais The Pogues (A Pair of Brown Eyes, single tubesque de 1985 métamorphosé en ballade vespérale) que de ses compatriotes Bob Seger (Against the Wind, dont elle livre une version ébouriffante), Iggy Pop (Endless Sea), Jackson Browne (These Days, dans une palette vocale stupéfi ante), Kitty Wells (It Wasn’t God Who Made Honky Tonk Angels) ou The Replacements (Here Comes a Regular), Chan Marshall passe sans coup férir d’un univers à l’autre. Même quand elle s’attaque à l’imposant I Had a Dream Joe de Nick Cave & the Bad Seeds, la chanteuse d’Atlanta fait siens quelques mots de l’Australien, bouleversant l’ordonnancement des paroles pour répéter ad libitum “I had a dream / I opened my eyes”.

En ultime titre, Cat Power s’empare de la plus belle des manières du standard I'll Be Seeing You de Billie Holiday en souvenir du génie Philippe Zdar, mort accidentellement en juin 2019, qui avait mixé son neuvième album Sun (2012). “Lorsque des personnes que vous aimez vous ont été enlevées, il y a toujours une chanson qui garde leur mémoire dans votre esprit, avance Chan. C’est une conversation avec ceux qui sont de l’autre côté, et c’est vraiment important pour moi d’atteindre les gens de cette façon.”

Au-delà du rôle de composition, Cat Power sidère encore une fois par sa force d’incarnation.

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